opus 154
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La porte bleue
J'étais assis dans le jardin sur le rivage
A ma droite il y avait l' Océan, l'océan immense d'où surgissent les montagnes d'Afrique et d'Amérique, d'Eurasie et du Pacifique
Et les glaces de l'Antarctique
où se perchent les manchots qui nagent mieux qu'ils ne courent
Sous les eaux les femelles sont comme des fusées à la poursuite des poissons qui gobent le plancton presqu'invisible
Je gardais un oeil vers ma gauche sur la maison dans la verdure, là où je dors et travaille
Afin que nul ne vienne s'emparer de mon ordinateur pour le revendre au marché aux puces, après effacement de la mémoire
Afin que ma guitare, ma flûte et mon tambour ne soient immolés dans le feu pour la cuisson d'un lamantin ou d'un éléphant
Sur internet j'ai lu que si les braconniers continuaient à les abattre pour leur ivoire, il ne restera bientôt plus un seul éléphant au Cameroun
Le nom de famille de Nim c'est Nzoke qui veut dire ivoire d'éléphant, et désigne aussi ces défenses en ivoire
un de ses grands pères est mort à la chasse écrasé par un de ces paisibles pachydermes
et l'autre grand père n'ayant qu'une couronne de carnaval tente de la transmuter en or monnayable en traitant Nim comme une esclave
Elle gratte le sol pour déterrer son manioc puis s'échappe à tire d'aile
Et toi, l'homme sobre de Lumière bleue, Sri Agastyar
Tu t'es glissé dans ma forme apaisée et vigilante au dedans comme au dehors
ma forme assise sur ce lit de bois à l'ombre de ces trois grands arbres aux branches feuillues et enlacées.
Du coup j'ai eu l'impression que mon âme s'était réglée sur les vents et sur les rayons de la Lumière
Sur l'écume des vagues et le scintillement du sable
Je t'ai remercié, Sri Agastyar, d'être passé par moi
J'ai souhaité que tu restes indéfiniment dans mon corps et me dispense de moi même
mais tu avais d'autres personnes à visiter
Et tu m'encourages plutôt à retrouver en moi la lumière que je perçois en toi,
à consolider l'écoute, clé de toute musique
celle que l'oreille entend et celle qu'elle n'entend que par l'intérieur
Surement tu avais siégé aussi dans la caverne de mon maître de chant Sri Kothandaraman
mon maître trahi par un camarade d'Auroville qui prétendait étudier avec lui les ragas
le camarade comptait ses sous de trop près
et pour le prix de quelques bols de riz a dénoncé la soi disant vénalité de son professeur
il voulait que tout soit gratuit, sauf lui même
Alors chassé sur la route de Salem avec son violon mon bon maître m'a donné rendez vous en Dieu
et voilà qu'il est avec nous maintenant tu es sorti de mon corps et nous sommes trois à converser assis en siddhasana dans le jardin
Dans les forêts de l'Orissa des jeunes hommes et femmes ont levé le drapeau d'un communisme qui ne soit pas stalinien
Or l'ennemi intérieur menace tous les rêves, le narcissisme collectif est source du fascisme, qui se nourrit de la peur et de la vanité
L'ennemi extérieur c'est le spéculateur et l'usurier, c'est la coutume et la superstition qui prennent pour ennemi la liberté de conscience
C'est la dévotion aveugle qui crucifie Menahem, Jésus et Al hallaj au nom de Dieu et des prophètes calomniés ....
Que les couleurs de la belle planète nourrissent plutôt notre âme à satiété !
Laisse la contemplation te couler dans la jubilation de la couleur
Garde en toi ces couleurs comme des semences que tu pourras projeter contre les assauts du mal et de ses financiers
Maintenant, apres avoir respiré l'air venu du large comme le plus précieux des nectars
me voici dans la maison retourné à mon métier d'artiste mendiant multimédia à la sébille vide
Les paroissiens en sortant de leur meeting n'ont pas fait attention à mes dessins sur le trottoir du net
Je ne rackette personne et je vis presqu'invisible pour ne pas provoquer les ogres
Au milieu du jardin il y a un singe attaché avec une corde d'un mètre vingt
Il ne m'appartient pas , je n'ai pas le droit de le détacher
peut être même il me mordrait
L'être humain est lui même souvent livré aux bandits de grands chemins
par des lois d'apartheid qui évaluent ses droits selon la lourdeur de son porte monnaie
D'injustes juges sont devenus ainsi tellement lourds qu'ils ont perdu toute notion de la danse
ils ont décidé d'interdire le bonheur à ceux qui ont les poches légères
car cela portait ombrage à leur dignité,
apparemment ils nous craignaient Nim et moi
comme si nous étions des délinquants
J'ai accueilli un chat borgne et j'ai partagé un peu de lait avec lui
puis plus tard un autre chat blessé est arrivé et le chat borgne ne voulait pas le laisser passer
Il craignait d'avoir à partager son lait
Un soleil qui ne rayonne plus se transforme en un astre mort
Dernière nouvelle : pendant que j'écrivais ce poème
le singe a rongé sa corde et s'est échappé
puis il est revenu car son patron
en plus de le nourrir le fait fumer.
Du coup le singe s'est laissé rattacher
encore plus solidement
(opus 1081 en rapport avec l'opus 154)
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