opus 301
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Peinture sur toile marouflée : NĀ MO'O (lézards/ lizards)
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AMIS LEZARDS
Jadis ,j'étais à peine adolescent , un margouillat m'adopta,
et je pouvais l'observer de près , il n'était pas farouche.
C'est lui qui s'approchait de moi , sur mon lit , sur ma main
et nous restions à converser silencieusement les yeux dans les yeux.
Je me souviens aussi d' une foule de geckos grouillant sur un plafond de gare
C'était dans la banlieue de Bangkok, près de l'aéroport.
J'attendais la correspondance pour Bali .
Auparavant l'avion avait prévu de faire escale à Phnom Penh
Mais en vol on avait appris que la guerre nous en empêcherait.
Année après année j'ai vécu en coexistence pacifique
avec les margouillats, même si certains
crottaient , pissaient sur mes peintures et parfois sur ma tête.
Du moins apparemment ils s'attaquaient aussi aux moustiques
Mais désormais ils restaient toujours accrochés aux plafonds peints
ou sur leurs feuilles tressées quand je vivais dans des cabanes.
Et toute la vie je me suis souvenu du premier gecko rencontré
Il m'avait accueilli dans la chambre où m'avait invité
un ami sculpteur qui s'appelait Jean Pierre
et qui taillait le ciment sur le fronton d'aéroports d'Afrique
Il m'avait offert un kaléidoscope géant
tellement énorme que je ne pus jamais l'emporter
et dans lequel il avait placé des verres de toutes les couleurs.
En souvenir du margouillat qui n'avait pas eu peur de moi
j'ai peint à Moorea, l'ìle nommée grand lézard joyeux
ou grand lézard jaune car cela se dit avec les mêmes mots
j'ai peint le regard tranquille de mon ami gecko sur une toile jaune,
un regard de cyclope inoffensif et amical.
Je lui ai inventé aussi une compagne lézard
pour les imaginer amoureux sur le mur
où j'ai suspendu leur présence.
Oui en fait mes peintures sont le fruit de la nécessité-
Elles évoluent à force de jouer leur place dans ma vie quotidienne
Elles vont chercher dans le passé des graines de futur
afin que ne soit pas rompu le fil de la joie
et que ces échos ensemencés déjouent au présent
les mille contrariétés des tribunaux humains
, ceux des singes qui ne veulent rien voir , rien entendre et rien dire.
Je fuis les importuns, mais je dois accueillir mes amis
dans un espace où soient corrigées les lubies des législateurs architectes.
Que mes toiles peintes ouvrent sur l'infini du coeur
partitions et échos en deça, à travers ,et au delà des sens
et que soient égayée les existences si souvent matraquées
par les égos de tous poils toujours insatiables .
Il y a ceux qui méprisent le paresseux qu'est supposé être un artiste
tant ils sont convaincus que l'être humain est né
pour piéger leurs concitoyens ou célébrer la créativité sordide des exploiteurs.
Mais toi le lézard, le mo'o, tu restes inaccessible au danger humain
et perpétues ta vie sereine en nous observant sans inquiétude.
Il y a certes des combats parfois de margouillats,
mais je n'en ai point vu qui se soldent par la mort ou des chaines
(opus 1056 de Dominique Oriata Tron en rapport avec l'opus 301)
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